Lumière d'automne
Pastel sec sur pastelmat
d'après une photo de Philippe Moes
(Je vous incite à aller visiter le site de Philippe:D c'est une visite que vous ne regretterez pas!:D)
Lumière d'automne sur les tourbières.
C'est une époque sombre.
Le pays occupé , les innocents persécutés. Même dans ce petit village perdu , on en ressent les effets malsains. La peur , la méfiance , la délation....Il regarde par la fenêtre de la cuisine où il fait une chaleur qui contraste fortement avec le froid du dehors . Sa soeur s'affaire devant ses fourneaux . Il faut toujours qu'elle les nourrisse avant de les laisser partir, ses « petiots » Lui , il sait bien que ce qui importe , c'est de les conduire sains et saufs , de l'autre côté de la frontière, là où on les prendra en charge, où ils seront en sécurité. Et , c'est sa « mission » à lui , parce qu'il la connait comme sa poche, « sa » forêt , « sa » montagne.
C'est Monsieur le Curé qui les amène , juste pour le goûter. Ils sont trois, des frères et soeurs , on dirait. Frigorifiés , terrorisés, muets. L'ainé a peut-être dix ans , le dernier , trois. Et la fille au milieu.
Ils sont assis autour de la table et mangent tout ce qu'on pose devant eux. Il ne dit rien , il écoute le curé qui leur donne des nouvelles du bourg. Des mauvaises nouvelles. Il ne laisse rien paraître de sa colère , de sa souffrance. Sa soeur , elle , n'a pas la même retenue, même si , pour ne pas effrayer les enfants, elle contient sa voix, et sa révolte.
Monsieur le Curé est reparti.
Il attend la nuit.
Et quand , enfin , elle vient, ils s'en vont , discrètement dans le froid et l'obscurité, lui , et les trois enfants .Le temps est à la neige. Pas de lune pour éclairer leur chemin. Qu'importe, il a des yeux de chat et il sait où il va. Il y a loin de la frontière au village. Les enfants ne sont pas habitués à marcher si longtemps. Ils trébuchent sur les racines; mais ils ne se plaignent pas. Le petit glisse sa main dans sa grosse paluche à lui. Il ne dit rien , il serre la menotte glacée pour la réchauffer.
Soudain , il s'arrête: un aboiement , encore lointain , mais qui se rapproche, des éclats de voix.....Une patrouille.
Il calcule vite , qu'en passant par les tourbières , il les sèmerait , ces chasseurs d'innocents. Alors , il change de direction , une fois , et une autre fois encore et les entraîne vers les marais. La neige se met à tomber , à petits flocons légers.
Son plan a fonctionné, les bruits se sont éteints, ils marchent dans un silence glacé. Le sol est blanc et dur , puis , blanc et mou. Il jure entre ses dents. Faut faire attention où on met les pieds , ici .
Ils s'aventurent avec précaution. Il regarde autour de lui , ne reconnaît rien. L'angoisse lui serre le coeur. Avec un bruit de succion la boue absorbe son pied. Il ne peut s'en défaire, s'enfonce . Il dit aux enfants de rebrousser chemin. Le petit ne veut pas le lâcher, il s'accroche à sa main. Les autres hésitent, ils s'embourbent eux aussi. Alors , il se bat pour s'arracher à l'étreinte mortelle de la terre, il lâche des « Nom de Dieu!!!! »
Mais Dieu est sourd. Sourd à ses jurons, à ses supplications,à ses promesses ,aux cris des enfants qui s'affolent , qui s'enfoncent....qui se taisent. Il a pris le petit sur ses épaules , il le tient à bout de bras , à bout de souffle.....
Le lendemain , la neige a fondu,un soleil pâle éclaire les tourbières silencieuses d'une lumière orangée.....